Murtoriu - Marcu Biancarelli
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Murtoriu - Marcu Biancarelli
La Corse trash de Marc Biancarelli
Voici, traduit en français, l'écrivain qui secoue la langue corse et les clichés insulaires
Son repaire ressemble à " une île dans une île ". La dernière maison de l'austère village de L'Ospedale, à flanc de rochers, au bout d'une forêt de pins, dans l'extrême sud de la Corse. C'est là que Marc Biancarelli, entre deux cours de langue corse aux terminales du lycée de Porto-Vecchio, écrit depuis douze ans. Il a d'abord publié chez Albiana, une maison d'édition ajaccienne, en corse. Puis en édition bilingue. Et enfin, en cette rentrée, en français. Son roman Murtoriu (" le glas ") vient de paraître en traduction française chez Actes Sud, dans la collection " domaine étranger ". Une première dans le monde de l'édition hexagonale, habituée à parler de " langues régionales ".
Faux ermite de l'âge d'Internet, Marc Biancarelli, comme beaucoup de Corses, voyage depuis son village, sans bouger, plongé dans les livres ou les films. " Il est d'abord un écrivain totalement américain ", s'amuse d'ailleurs Marie-Catherine Vacher, son éditrice chez ActeJs Sud, qui a découvert la passion de son auteur insulaire pour John Fante et Cormac McCarthy. Marc Biancarelli est aussi un faux ours. En préambule de Murtoriu, il implore son lecteur de lui épargner " ses commentaires de casse-couilles ou pire, de laquais ", mais sous son châtaignier sait partager son vin et son sourire. Il déroule son parler grave, lent et rocailleux - bien plus châtié que sa prose - face à une Sardaigne invisible et d'autres mondes brumeux. " Mon éditrice dit que la conscience d'une frontière, ça suffit à définir ce qu'on appelle un domaine étranger. "
Son grand ami (et l'un de ses trois traducteurs) Jérôme Ferrari a fait de l'île un décor universel pour ses romans, comme le récent Sermon sur la chute de Rome (" Le Monde des livres " du 23 août). De manière plus trash et incarnée, Biancarelli décrit une Corse que les écrivains identitaires du " Reaquista ", ce mouvement de " réappropriation " culturelle des années 1970, avaient préféré ignorer : " Leur Corse était devenue à son tour mythique, dépassée ", note l'éditeur Jean-Jacques Colonna d'Istria, qui a publié l'an passé un recueil de chroniques littéraires de l'auteur de Murtoriu (Cusmugrafia, Colonna). Chez Biancarelli, les nationalistes sont de pauvres cloches, les filles des cagoles, les garçons des camés. Chez lui, la Corse sait être moche et matérialiste, surtout vue de ce poste d'observation ultra-touristique qu'est Porto-Vecchio - " l'essence du rien " - où l'écrivain n'aime descendre que l'hiver, comme Marc-Antoine, le libraire de Murtoriu. Son héros - pardon, son double : il n'y a pas de figures glorieuses chez Marc Biancarelli, même celui qui se réfugie au village et refuse d'écrire en français.
C'est l'intérêt du personnage : Marc Biancarelli ne se vit pas en moine soldat d'une langue à l'agonie. " On a trop politisé l'enseignement du corse ", soupire ce prof de 44 ans. Sur l'île, où la jalousie est un mal séculaire et la critique un sport journalier, tout le monde s'est d'abord moqué : " Le corse n'existe qu'à l'oral "... " Il ne parle pas le corse d'hier "... " Il a passé sa petite enfance dans les Vosges ".... " Tout ça relève d'une vision fascisante de pureté et de repli, soupire l'écrivain. Et si ça me plaît, moi, d'écrire dans cette langue pour laquelle j'ai une passion, et sans avoir le poids de l'Académie sur les épaules ? Préfixes, suffixes, gallicismes, le corse se compose à l'infini. Mon père inventait des mots à chaque seconde. Je fais pareil, et comme personne n'est meilleur que moi, personne n'aura le culot de me corriger. "
" Une part de la Corse continue à m'indigner, et une autre à me fasciner - celle qui ne capitule pas et conserve cette part d'altérité culturelle qu'on saisit dans une question, un mot ", ajoute-t-il. La traduction laisse découvrir une langue ultra-imagée qui adore les contrastes et les antithèses, l'ironie ou la sagesse des aphorismes inventés au bar, la musique, aussi. " Murtoriu n'est pas un étendard de corsitude, c'est la bande-son âpre du texte de Marc ", justifie son éditrice. Cette semi-Ajaccienne a tenu à ce titre aux accents mortuaires, qui faisait peur à son auteur.
Voici, traduit en français, l'écrivain qui secoue la langue corse et les clichés insulaires
Son repaire ressemble à " une île dans une île ". La dernière maison de l'austère village de L'Ospedale, à flanc de rochers, au bout d'une forêt de pins, dans l'extrême sud de la Corse. C'est là que Marc Biancarelli, entre deux cours de langue corse aux terminales du lycée de Porto-Vecchio, écrit depuis douze ans. Il a d'abord publié chez Albiana, une maison d'édition ajaccienne, en corse. Puis en édition bilingue. Et enfin, en cette rentrée, en français. Son roman Murtoriu (" le glas ") vient de paraître en traduction française chez Actes Sud, dans la collection " domaine étranger ". Une première dans le monde de l'édition hexagonale, habituée à parler de " langues régionales ".
Faux ermite de l'âge d'Internet, Marc Biancarelli, comme beaucoup de Corses, voyage depuis son village, sans bouger, plongé dans les livres ou les films. " Il est d'abord un écrivain totalement américain ", s'amuse d'ailleurs Marie-Catherine Vacher, son éditrice chez ActeJs Sud, qui a découvert la passion de son auteur insulaire pour John Fante et Cormac McCarthy. Marc Biancarelli est aussi un faux ours. En préambule de Murtoriu, il implore son lecteur de lui épargner " ses commentaires de casse-couilles ou pire, de laquais ", mais sous son châtaignier sait partager son vin et son sourire. Il déroule son parler grave, lent et rocailleux - bien plus châtié que sa prose - face à une Sardaigne invisible et d'autres mondes brumeux. " Mon éditrice dit que la conscience d'une frontière, ça suffit à définir ce qu'on appelle un domaine étranger. "
Son grand ami (et l'un de ses trois traducteurs) Jérôme Ferrari a fait de l'île un décor universel pour ses romans, comme le récent Sermon sur la chute de Rome (" Le Monde des livres " du 23 août). De manière plus trash et incarnée, Biancarelli décrit une Corse que les écrivains identitaires du " Reaquista ", ce mouvement de " réappropriation " culturelle des années 1970, avaient préféré ignorer : " Leur Corse était devenue à son tour mythique, dépassée ", note l'éditeur Jean-Jacques Colonna d'Istria, qui a publié l'an passé un recueil de chroniques littéraires de l'auteur de Murtoriu (Cusmugrafia, Colonna). Chez Biancarelli, les nationalistes sont de pauvres cloches, les filles des cagoles, les garçons des camés. Chez lui, la Corse sait être moche et matérialiste, surtout vue de ce poste d'observation ultra-touristique qu'est Porto-Vecchio - " l'essence du rien " - où l'écrivain n'aime descendre que l'hiver, comme Marc-Antoine, le libraire de Murtoriu. Son héros - pardon, son double : il n'y a pas de figures glorieuses chez Marc Biancarelli, même celui qui se réfugie au village et refuse d'écrire en français.
C'est l'intérêt du personnage : Marc Biancarelli ne se vit pas en moine soldat d'une langue à l'agonie. " On a trop politisé l'enseignement du corse ", soupire ce prof de 44 ans. Sur l'île, où la jalousie est un mal séculaire et la critique un sport journalier, tout le monde s'est d'abord moqué : " Le corse n'existe qu'à l'oral "... " Il ne parle pas le corse d'hier "... " Il a passé sa petite enfance dans les Vosges ".... " Tout ça relève d'une vision fascisante de pureté et de repli, soupire l'écrivain. Et si ça me plaît, moi, d'écrire dans cette langue pour laquelle j'ai une passion, et sans avoir le poids de l'Académie sur les épaules ? Préfixes, suffixes, gallicismes, le corse se compose à l'infini. Mon père inventait des mots à chaque seconde. Je fais pareil, et comme personne n'est meilleur que moi, personne n'aura le culot de me corriger. "
" Une part de la Corse continue à m'indigner, et une autre à me fasciner - celle qui ne capitule pas et conserve cette part d'altérité culturelle qu'on saisit dans une question, un mot ", ajoute-t-il. La traduction laisse découvrir une langue ultra-imagée qui adore les contrastes et les antithèses, l'ironie ou la sagesse des aphorismes inventés au bar, la musique, aussi. " Murtoriu n'est pas un étendard de corsitude, c'est la bande-son âpre du texte de Marc ", justifie son éditrice. Cette semi-Ajaccienne a tenu à ce titre aux accents mortuaires, qui faisait peur à son auteur.
PaulDo- Messages : 37
Date d'inscription : 20/10/2012
Et toi Paul ?
Tu as quel rapport à la langue corse, dis-nous, Paul ?
Henri- Admin
- Messages : 71
Date d'inscription : 20/10/2012
langue corse
J'aime l'idée des livres en édition bilingue : bien que n'ayant aucune connaissance sur la langue corse, je pense qu'il doit être intéressant de tenter d'en saisir la beauté dans la découverte de ses mots inconnus (pour moi) mais dont le sens est donné par la version en français.
Pascal Livani- Messages : 13
Date d'inscription : 20/10/2012
Re: Murtoriu - Marcu Biancarelli
C'est vrai Pascal .
Pour avoir lu les deux versions et bien qu'ayant adoré la version Francaise aussi, les mots ne sonnent jamais de la même façon. Les traductions ne rendent pas compte d'une réalité. Certaines phrases sont parfaitement traduites et retranscrivent bien "l'idéé" mais les mots agencés de la sorte et correspondant tres bien à la langue Francaise n'ont pas de réalité en Corse. Autrement dit "l'empreinte culturelle" des mots ne fait plus tout à fait sens une fois traduite.
Bon suis pas sûr d'être clair et audible faudrait peut être que je te la fasse en Corse ,))
@Henri : je te ferai cette réponse autour d'une bière,voire plusieurs car cela pourrait prendre des heures a t'expliquer mon rapport à la langue. Rdv est pris :-)
Pour avoir lu les deux versions et bien qu'ayant adoré la version Francaise aussi, les mots ne sonnent jamais de la même façon. Les traductions ne rendent pas compte d'une réalité. Certaines phrases sont parfaitement traduites et retranscrivent bien "l'idéé" mais les mots agencés de la sorte et correspondant tres bien à la langue Francaise n'ont pas de réalité en Corse. Autrement dit "l'empreinte culturelle" des mots ne fait plus tout à fait sens une fois traduite.
Bon suis pas sûr d'être clair et audible faudrait peut être que je te la fasse en Corse ,))
@Henri : je te ferai cette réponse autour d'une bière,voire plusieurs car cela pourrait prendre des heures a t'expliquer mon rapport à la langue. Rdv est pris :-)
PaulDo- Messages : 37
Date d'inscription : 20/10/2012
Re: Murtoriu - Marcu Biancarelli
D'accord, Paul, fais-la moi en corse... je te répondrai en espéranto... et tu verras que nous nous comprendrons.
Pascal Livani- Messages : 13
Date d'inscription : 20/10/2012
Re: Murtoriu - Marcu Biancarelli
Je veux bien tenter le bambara pour formuler tout ça! Langue d'image et pas de mots...Le langage, notre langage définit une partie de ce que nous sommes, de notre façon de penser, de notre logique... Mais je m'égare!!!
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